Le risque chimique, omniprésent dans les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), est souvent sous-évalué malgré sa dangerosité. Pourtant, selon l’Assurance maladie-Risques professionnels, les risques chimiques représentent la deuxième cause de maladies professionnelles en France. Chaque année, près de 1 800 cancers professionnels liés à ces risques sont reconnus. Les principales pathologies sont causées par l’inhalation de fibres d'amiante, de poussières de silice cristalline alvéolaire, de poussières de bois ou encore par le contact avec des ciments*.

Dans ce contexte, le BTP est particulièrement concerné, et pas uniquement par les agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). « Les maçons manipulent du ciment, du béton, de la chaux et des silicones ; les peintres et menuisiers utilisent des peintures, des teintures et des solvants ; les couvreurs travaillent avec des démousseurs et des dégraissants ; les poseurs de sol appliquent des décapants… », énumère Isabelle Quadrini, médecin du travail au service santé BTP Normandie. Ces exemples illustrent les multiples expositions aux produits chimiques manufacturés.

Dr Quadrini, qui conseille également l’OPPBTP, participe à l’élaboration d’une campagne spécifique prévue pour 2025. Celle-ci visera à accompagner les très petites entreprises (TPE) dans l’inventaire et la gestion de ces produits.


Voies d’exposition et modes de contamination

Les formes sous lesquelles les produits chimiques sont utilisés – solide, liquide, gaz ou aérosols – ainsi que les procédés de travail, déterminent les voies d’exposition et les risques encourus par les salariés. « La contamination peut être aérienne, digestive ou cutanée, explique le médecin. Par exemple, le plomb contenu dans certaines peintures peut être ingéré si les mesures de prévention, comme le port d’équipements de protection individuelle (EPI) et le lavage des mains, ne sont pas respectées. »

Les effets sur la santé peuvent se manifester rapidement, comme dans le cas d’une exposition accidentelle (brûlures, intoxications), ou apparaître à long terme en cas d’exposition chronique à de faibles doses. « Un asthme allergique peut se développer après quelques expositions seulement, tandis que des maux de tête surviennent rapidement lors de l’utilisation de solvants en espace confiné. En revanche, les cancers liés aux produits dangereux mettent quinze à vingt ans à se déclarer, » précise Isabelle Quadrini.


Identifier et hiérarchiser les dangers

Pour mieux prévenir ces risques, il est essentiel d’évaluer la dangerosité des produits chimiques. « La prise en compte du risque commence par l’inventaire des produits chimiques et des agents émis, leur évaluation au poste de travail, puis la mise en place de mesures de prévention, » rappelle Isabelle Monnerais, responsable du domaine Risque chimique à l’OPPBTP. Les informations contenues sur les étiquettes et dans les fiches de données de sécurité (FDS) permettent de repérer les dangers.

En 2023, l’outil d’évaluation du risque chimique développé par l’OPPBTP a été optimisé pour aider les petites entreprises. Il offre la possibilité de classer les produits chimiques selon trois indicateurs de danger : santé, inflammabilité-explosion et environnement. « L’objectif est de proposer des conseils d’utilisation et, si possible, des alternatives plus sécurisées, » explique Isabelle Monnerais.


Des actions concrètes pour une prévention durable

Les plans d’action mis en place dans les entreprises suivent une logique claire :

  1. Éliminer ou substituer les produits dangereux.
  2. Réorganiser le travail pour limiter les expositions.
  3. Mettre en place des protections collectives, complétées par des EPI lorsque nécessaire.

Ces principes s’appliquent également aux poussières et fumées émisses. « Les poussières de silice, de bois et le plomb restent les agents les plus dangereux, » souligne Mickaël Guihéneuf, ingénieur-conseil à l’Assurance maladie-Risques professionnels. Parmi les 800 entreprises du BTP accompagnées dans le cadre du programme « Risques chimiques pros » entre 2018 et 2023, près de 80 % ont élaboré un plan d’action, et plus de 60 % ont mis en œuvre des mesures prioritaires.

Parmi ces mesures, les systèmes de captage des poussières et fumées se démarquent par leur efficacité. « Une maintenance régulière des installations est indispensable pour pérenniser ces actions et intégrer durablement la prévention des risques chimiques dans l’organisation de l’entreprise, » conclut Mickaël Guihéneuf.


  • 90 % des maladies professionnelles liées au risque chimique sont causées par trois agents principaux : l’amiante, la poussière de bois et la silice.

Source OPPBTP

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